Les allocaquois

par Guillaume Fournier

Les semaines surchargées, les classes qui débordent, les piles de correction, les préparations nombreuses, les groupes de stages trop populeux, le manque de libérations : s’il existe un sujet sensible, c’est bien celui de la lourdeur de la tâche ! Paradoxalement, si chacun la ressent au quotidien, rares sont ceux qui s’intéressent au dossier des allocations, ce grand budget des ressources enseignantes qui exerce tant d’influence sur notre tâche.

Si nous souhaitons nous attaquer aux problèmes de tâches que nous dénonçons, maîtriser collectivement les mécanismes de gestions des allocations est certainement la clé. Car ce ne sont pas les leviers qui manquent ! Dans le monde du travail québécois, nous sommes parmi les rares à avoir inscrit notre participation à la gestion des ressources qui nous concerne dans notre propre convention collective. Du comité des relations de travail jusqu’aux départements, en passant par la Commission des études, nous prenons un grand nombre de décisions qui peuvent avoir un impact sur notre tâche. Malheureusement, probablement repoussés par les trop nombreuses colonnes de chiffres, nous jouons dans ce dossier un rôle qui demeure assez limité.

Dans le but de nous faire participer davantage au processus de répartition des allocations, d’y insuffler plus de transparence et de dégager des priorités d’intervention sur la lourdeur de la tâche, nous proposons cette année une série de textes qui permettront de mieux comprendre les concepts importants et les enjeux reliés à ce dossier. Combien de ressources le Collège reçoit-il pour engager des enseignants ? Comment évalue-t-on les besoins en enseignants afin de répartir équitablement ces ressources ? Quels problèmes de lourdeur souhaitons-nous corriger ? Quels sont nos leviers d’intervention ? Les textes de cette série tenteront d’apporter des réponses claires à ces questions. Comme il n’est pas nécessaire de maîtriser les fins calculs pour saisir les enjeux, nous les réserverons pour une formation qui aura lieu en janvier.

Les ressources enseignantes

Dans les cégeps, les ressources enseignantes constituent une enveloppe budgétaire totalement indépendante des autres fonds. Ce sont des règles ministérielles et conventionnées qui déterminent les ressources qui seront allouées à chacun des collèges du réseau pour engager des enseignants. Avant d’être financées en argent, ces ressources représentent d’abord un nombre d’enseignants à temps complet (ETC). Combien d’ETC le Collège reçoit-il ?

Bien qu’une portion des ressources soit déterminée à l’avance pour la durée de la convention collective, le nombre d’enseignants alloués à un collège dépend surtout du nombre d’inscriptions dans les cours. Selon une logique assez simple, plus il y a d’étudiants inscrits à un cours, plus le Collège recevra d’allocations.

Allocation basée sur les inscriptions

Ce système basé essentiellement sur les inscriptions a une faiblesse importante à souligner : il est entièrement détaché du calcul de la charge individuelle, et donc des coûts réels. L’exemple qui illustre le mieux cette caractéristique est celui du nombre d’étudiants dans les groupes. Qu’on choisisse de former quatre groupes de 40 étudiants ou huit groupes de 20, l’allocation reçue du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche, de la science et de la technologie (MESRST) demeurera exactement la même. Par contre, le nombre d’enseignants requis pour effectuer le travail sera presque doublé. Le système basé sur les inscriptions demeure également insensible au nombre de préparations, à la création de groupes de niveaux distincts, aux remplacements, à la suppléance, etc.

Dans cette optique, un nombre d’inscriptions trop faible fera en sorte que certains cours seront sous-financés et que d’autres devront générer des surplus suffisants pour résorber ces déficits. Traditionnellement, dans le réseau collégial, ce sont souvent des cours de la formation générale, de sciences humaines et de physique qui ont joué ce rôle de « vache à lait. » Avec la convention collective 2010-2015, quelques mesures ont été mises en place pour limiter cet effet, mais celui-ci demeurera inévitable tant que nous demeurerons dans un système basé sur les inscriptions qui ne tient pas compte de la mesure de la charge individuelle.

La date de lecture des effectifs étudiants

Selon les règles du MESRST, le calcul des allocations octroyées à un collège s’effectue à partir des informations recueillies aux dates de lecture des effectifs étudiants, soit le 20 septembre et le 15 février de chaque année. Le Collège ne reçoit donc aucun financement pour les étudiants qui abandonnent un cours avant ces dates. Cette réalité a un impact direct sur le projet d’allocations, puisqu’il doit toujours être élaboré… avec des prévisions !

Compte tenu des multiples conséquences de ces prévisions, leur précision est d’une très grande importance. Si elles sont trop optimistes, le nombre de groupes créés risque d’être trop élevé, ce qui entraînera des déficits à résorber. À l’inverse, si elles sont trop conservatrices, les enseignants risquent d’être confrontés à des classes surpeuplées ou encore, de nouveaux groupes devront être créés à la dernière minute, ce qui générera également son lot de problèmes. Les enseignants à statut précaire sont généralement les premiers touchés par ces ouvertures tardives. Si ces derniers peuvent se consoler de voir leur tâche bonifiée, des prévisions systématiquement trop conservatrices les placent inutilement dans des situations où ils doivent préparer de nouveaux cours à la dernière minute, accepter des tâches avec de nombreuses préparations et vivre avec des horaires difficiles. Même s’il existera toujours une marge d’erreur, il faut chercher à améliorer la fiabilité des prévisions.

Les formules d’allocation

Afin de calculer précisément le nombre de ressources allouées pour les inscriptions confirmées, le MESRST utilise des formules mathématiques distinctes, connues sous le nom de « droites programme », pour chacun des programmes d’études ainsi que pour certaines catégories de cours offerts à l’ensemble des étudiants. Il agit ainsi afin de tenir compte des particularités de chacun des programmes d’études. Par exemple, les programmes de musique offrent des cours d’instrument sous forme de leçons individuelles, qui sont nettement plus coûteux que la moyenne des cours offerts au collège. Calculer toutes les ressources enseignantes générées par les inscriptions est une tâche assez longue qui ne peut être complétée qu’après la dernière lecture des effectifs étudiants, en février. Pour l’année 2011-2012, le total des allocations liées aux inscriptions que le MESRST nous a octroyées a été de 256,38 ETC.

Les autres allocations

Les allocations liées aux inscriptions ne sont pas les seules que le Collège reçoit du MESRST. Au fil des négociations, d’autres ressources se sont ajoutées à la convention collective pour tenir compte de certaines réalités, comme les nombreuses préparations, l’encadrement, la coordination des stages et ateliers, le temps de déplacements, etc. Ces ressources ont des fonctions déterminées pour chacun des volets de la tâche.

Pour le premier volet, celui de l’enseignement, 1,12 ETC est prévus pour les cours de théorie-laboratoire, les stages, les programmes exclus, les nombreuses préparations et les temps de déplacement. Ces ressources, obtenues durant la négociation de 1995, viennent s’ajouter aux 256,83 ETC calculés plus haut. Avec la dernière négociation, nous avons obtenu d’autres ressources pour tenir compte des nombreuses préparations et du trop grand nombre d’étudiants à encadrer. Pour l’année 2011-2012, nous avons reçu 0.95 ETC à cet effet.

Pour le second volet, celui des tâches collectives (coordination départementale, responsables de programme), le Collège reçoit 1/18e des ressources générées pour le volet 1 (1/18e de 256,83 ETC). Depuis la négociation de 1995, on ajoute également 4,10 ETC pour l’encadrement des étudiantes et étudiants, la coordination départementale et la coordination des stages ou ateliers.

Pour le troisième volet, celui des fonctions connexes, c’est 0,39 ETC que l’on reçoit annuellement pour le perfectionnement technologique, la préparation et l’adaptation et les charges à temps complet à la formation continue.

Finalement, pour soutenir la réalisation du plan stratégique de développement, 3,17 ETC sont alloués au Collège. Ces ressources ont été obtenues lors de la négociation de 2005 pour réaliser des activités de programme, de perfectionnement disciplinaire et pédagogique, d’organisation des stages et ateliers, d’amélioration de la réussite des étudiantes et étudiants, de transferts technologiques, de recherche et d’insertion professionnelle.

Type de ressource

allocation
(ETC)

Volet 1

Ressources variables

256,38

Ressources fixes

1,12

Nombreuses préparations et encadrement

0,95

Volet 2 1/18e des ressources prévuesau volet 1

14,36

Ressources fixes

4,10

Volet 3 Ressources fixes

0,39

Plan stratégique

3,17

Total

280,47

Conclusion

Pour déterminer la portion des ressources qui revient à chaque discipline, on pourrait être tenté de baser nos calculs sur les inscriptions-cours, en reprenant la même approche que le MESRST. Cependant, avec les nombreuses lacunes du système basé sur les inscriptions, la présence de ressources fixes, les surplus ou déficits à résorber, il s’agirait certainement d’une erreur. Dans les faits, les règles de financement du MESRST génèrent plutôt une banque de ressources enseignantes qu’il convient de répartir en fonction des besoins et des priorités que nous établissons. Pour répartir ces ressources, on utilise généralement un autre modèle qui, en théorie, permet d’atténuer les distorsions qui existent entre les règles de financement et les besoins réels, et qui crée un espace pour intervenir sur les aspects de la tâche qui nous apparaissent prioritaires. Le prochain article expliquera comment on évalue les besoins en enseignants afin de répartir équitablement ces ressources entre les disciplines.